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Crowdfunding public : réglementation, avantages, modalités
Le « civic crowdfunding » concerne 3 modes de financement - le don, le prêt et l’investissement, et 4 types de projet - culturel, éducatif, social et solidaire. Les collectivités peuvent lancer un financement participatif de différentes manières : soit par le biais de plateformes existantes, soit en développant leur propre plateforme de crowdfunding via une solution en marque blanche. Cette seconde option, encore peu privilégiée par les collectivités, reste pourtant la solution la moins onéreuse et la plus aboutie en termes de développement économique, de communication et de renforcement de la cohésion sociale au sein du territoire. Parmi les avantages de disposer de sa propre plateforme : la possibilité d’inclure des fonctionnalités de crowdsourcing (votes, boîte à idées, challenge, bénévolat de compétences, etc) afin de proposer aux citoyens une plateforme globale de démocratie participative.
Quel cadre réglementaire pour le financement participatif des collectivités territoriales ?
2015 : un premier décret :
La France a été pionnière dans l’application de normes encadrant le crowdfunding. Le 30 mai 2014, une ordonnance réglemente l’usage du financement participatif - tous secteurs confondus.
Concernant le crowdfunding dans la sphère publique, depuis décembre 2015, les collectivités territoriales et les établissements publics sont officiellement autorisés, par le décret n° 2015-1670 à recourir au financement participatif, qui leur permet de « confier à un organisme public ou privé l’encaissement de recettes relatives (...) aux revenus tirés d’un projet de financement participatif au profit d’un service public culturel, éducatif, social ou solidaire ».
La convention de mandat financier
Selon le décret de 2015, pour faire du crowdfunding et bénéficier des recettes perçues, les collectivités doivent établir une convention de mandat financier soumis au comptable public, selon le Code général des collectivités territoriales.
En substance, voici ce que doit contenir la convention (1) :
- Les opérations faisant l’objet du mandat doivent être déterminées précisément dans la convention.
- La convention doit détailler les relations financières entre la collectivité (le mandant) et l’organisme tiers à qui elle va confier l’encaissement de ses recettes propres (le mandataire).
- La convention précise les modalités de reddition des comptes auprès du comptable public. Il ne peut y avoir de contraction entre les recettes et les dépenses.
- Le comptable public devra rejeter toutes les opérations du mandataire qui ne seraient pas suffisamment justifiées au regard des contrôles dont il est personnellement et pécuniairement responsable.
- Le comptable dispose d’un mois pour valider la convention de mandat, une fois le délai écoulé et sans réponse du comptable, la convention est tacitement approuvée.
2018 : une nouvelle proposition de loi engageante
Ce décret de 2015 relatif aux conventions de mandats comporte un certain nombres « d’insécurités juridiques pouvant être dissuasives pour certaines collectivités, conduire au refus de comptables publics, ou encore faire prendre le risque de l’annulation de l’opération réalisée ». Pour clarifier la réglementation, une proposition de loi relative au développement du financement participatif public a été proposée à l’Assemblée Générale en juin 2018. Actuellement entre les mains de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, cette proposition de loi propose « d’introduire le financement participatif public parmi les exceptions du code des marchés publics, pour le mettre sur un pied d’égalité avec les prêts bancaires et les émissions obligataires, qui en sont également exclus. ».
Parmi les points clé de cette proposition de loi, notons (2) :
- Pour les plateformes qui souhaitent s’engager avec les collectivités : assouplir le dispositif d’autorisation pour les IFP et CIP d’exercer en tant qu’opérateur en financement participatif public.
- Fluidifier les démarches administratives en rappelant que la convention de mandat n’est pas obligatoire pour le type de projets spécifique aux collectivités.
- Définir la notion de « service public culturel, éducatif, social ou solidaire ».
- Clarifier le champ du financement participatif public en rappelant que les collectivités et les établissements publics peuvent, comme pour les « prêts classiques », financer tout type de dépense d’investissement, conformément aux principes généraux de la comptabilité publique.
Le financement participatif pour les collectivités : un outil de promotion économique, sociale et politique
Dans un contexte où les collectivités font face à une restriction budgétaire et à une dépendance au secteur bancaire, les outils de l’économie collaborative sont des ressources complémentaires pour développer un territoire.
Le financement participatif est un puissant outil de promotion, une collectivité qui s’engage auprès des porteurs de projets de son territoire bénéficie d’une image positive, d’une visibilité et d'une notoriété auprès du grand public qui s’étendent au-delà de sa zone géographique.
Une collectivité peut activer une démarche de financement participatif selon deux modes. Elle peut soit décider d’accompagner et de faciliter l’accès au crowdfunding pour les acteurs de son territoire (particuliers, associations ou entreprises), soit choisir de financer ses propres projets.
En s’engageant avec leurs acteurs locaux, les collectivités territoriales :
- Créent des synergies entre les citoyens et porteurs de projets de la société civile,
- Améliorent la cohésion sociale au sein du territoire,
- Démontrent leur volonté de prendre en compte les besoins concrets de leurs habitants,
- Participent à créer une dynamique sur le territoire,
- Accompagnent des projets au profit de la transition écologique, sociale et culturelle.
Pour une collectivité qui souhaite propulser ses propres projets, l’usage du financement participatif lui permet de bénéficier d’avantages tels que :
- Bénéficier d’un outil de développement économique et d’une source de recette complémentaire aux modes de financement traditionnels,
- Développer la communication au sein du territoire et renforcer le lien social en incluant les habitants dans les projets publics,
- Générer une dynamique et une mobilisation citoyenne autour de projets de biens communs,
- Renforcer son positionnement politique en ralliant administrés et élus locaux autour de projets communs.
Plateforme existante ou solution en marque blanche : quel dispositif présente le plus d’avantages pour une collectivité ?
La plateforme existante, une solution alternative pour un engagement ponctuel
La collectivité est en droit de nouer un partenariat, plus ou moins formalisé, avec une plateforme existante (généraliste ou spécialisée) disposant du statut d’opérateur en financement participatif public. Elle peut alors encourager, soutenir et faciliter l’accès des porteurs de projets aux outils de financement participatif. La collectivité est en mesure d’appuyer les projets d’entreprises, associations ou encore de particuliers, la condition première étant que le projet concerné adhère à la stratégie de développement territorial de la collectivité.
Dans le cas où la collectivité souhaite bénéficier du crowdfunding pour développer ses propres projets, elle dispose d’un panel plus élargi des types de financement à utiliser. Contrairement au premier usage qui reste essentiellement du don (avec ou sans contrepartie), les projets des collectivités peuvent être financés grâce au don au prêt ou à l’investissement, en fonction du type de projet concerné.
Faire appel à une plateforme existante est une option lorsque la collectivité souhaite s’engager ponctuellement dans une dynamique de crowdfunding. A partir du moment où elle souhaite faire du crowdfunding un véritable projet de promotion territoriale et bénéficier des apports économiques, de mobilisation sociale et politique et des outils de communication, la création d’une plateforme en propre est une solution incontournable.
Le développement d’une plateforme de financement participatif en marque blanche : un choix durable et stratégique
Une collectivité peut faire le choix stratégique de développer sa propre plateforme de crowdfunding en faisant appel à un fournisseur de solution de financement participatif en marque blanche. L'une des premières collectivités à avoir franchi le pas est le département de la Manche.
L’option de la marque blanche présente de nombreux avantages dont la possibilité de disposer d’une solution « clé en main », personnalisable et évolutive, à moindre coûts. Certaines solutions proposent également de mixer différentes formes de participation, en créant une plateforme hybride permettant d’ajouter une brique fonctionnelle de crowdsourcing pour compléter le crowdfunding.
L’engagement financier n’est pas le seul levier pour fidéliser et récolter l’opinion d’une communauté. Le crowdsourcing permet au porteur de projets de recueillir l’avis de tiers à travers des outils tels que la boîte à idée, le challenge, le vote. Pour les collectivités, c’est l’occasion d’aller plus loin dans la relation avec les différentes parties de la société civile, d'impliquer les citoyens dans la production d’avis et de projets pour le territoire. Le développement de plateformes hybrides est un moyen de rendre le crowdfunding plus inclusif et de multiplier les canaux d’échanges et de partage entre le territoire et ses citoyens.
Par ailleurs, le développement d’une plateforme participative en propre permet à la collectivité de se montrer innovante en utilisant les nouvelles technologies pour valoriser l’engagement et la participation de chacun.
Enfin, si le crowdfunding est un vecteur de développement économique, il représente également un formidable outil de communication et permet d’augmenter sa visibilité non seulement sur le territoire dédié, mais aussi au niveau national.
Pour une collectivité, animer sa propre plateforme de crowdfunding est un message fort délivré aux différents acteurs de la société civile. C’est mettre à disposition un outil de démocratie participative et s’engager dans la promotion de la solidarité territoriale. C’est permettre aux citoyens de s'impliquer directement dans la vie du territoire pour faire émerger ensemble des projets et initiatives qui répondent aux besoins d’une transition sociale, écologique et culturelle autant qu’aux besoins de développement d'infrastructures et d'équipements territoriaux.
(1) Source : Guide financement participatif pour le développement des territoires - A l'initiative de Financement Participatif France.
(2) Proposition de loi relative au développement du financement participatif public. Enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juin 2018.