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Crowdfunding – Extension de la période transitoire par la Commission européenne
Le règlement européen 2020/1503 relatif aux PSFP, entré en vigueur le 10 novembre 2021, a pour objectif d’unir les États membres de l’Union Européenne sous une même législation et de ce fait de renforcer la gouvernance des plateformes, tout en garantissant une meilleure protection aux épargnants.
En d’autres mots, une plateforme qui souhaitera proposer des prestations transfrontalières de services devra faire une demande de « passeport européen » adressée à l’autorité compétente de son État. La demande comportera la liste des États membres où le prestataire souhaite exercer ainsi que la liste des personnes morales ou physiques responsables de la prestation dans les États membres.
Les plateformes européennes de crowdfunding disposaient dès lors d’un an pour se mettre en conformité. Mais face aux inquiétudes grandissantes de celles-ci quant à l’obtention de ce nouvel agrément, notamment sur la question de la disparition des statuts CIP et IFP, l’ESMA publiait le 19 mai dernier un avis favorable sur l’extension de la période transitoire. Ceci pouvant permettre aux plateformes de bénéficier de davantage de temps pour constituer un dossier jugé complexe, dans un contexte encore bien trop flou.
« Les règles de conflits d’intérêts, les garanties prudentielles exigées, la relation clients, le calcul du taux de défaut, etc. sont autant de nouveaux aspects réglementaires » comme le soulignait les associations française et allemande Financement Participatif France et Bundesverband Crowdfunding e.V. dans un communiqué de presse publié le 5 mai 2022.
Au cœur de ce nouveau règlement, une volonté d’ uniformisation des offres de financement participatif au niveau européen, mais aussi de nombreux changements :
- Le statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP) est supprimé, tout en faisant disparaître les minibons ;
- Les Prestataires de Services d’Investissement (PSI) ne pourront plus exercer d’activité de financement participatif ;
- L’activité d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) sera restreinte aux dons ou aux prêts à titre gratuit.
Plusieurs interrogations subsistent quant à ces évolutions. En effet, l’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 mentionne encore la disparition du statut de CIP au 10 novembre 2022. Une prise en compte de la prolongation de la période transitoire est donc nécessaire.
A ce jour, encore très peu de plateformes européennes ont adopté le nouveau statut PSFP. Et au-delà de la période de transition, seules les plateformes agréées seront en mesure de proposer des services de financement participatif en prêts ou titres en Europe.
Une véritable course contre la montre qui risque de compromettre la belle envolée que connaît le secteur du financement participatif dpuis ces quelques années. En 2021, en France, le montant total de la collecte de crowdfunding s’élevait à 1,88Md€ (soit +80% par rapport à 2020) selon le baromètre publié par Mazars et FPF. Néanmoins, on observait dans le même temps une baisse du nombre de demande d’immatriculation en tant qu’IFP ou CIP depuis 2019. En 2021, on dénombrait 47 nouvelles plateformes immatriculées, contre 67 en 2020 et 83 en 2019.
Avec l’entrée en vigueur du règlement européen, le panorama du financement participatif risque de fortement évoluer. L’abaissement du plafond de financement des projets engendré par le nouveau statut PSFP peut dissuader. En effet, si en France la loi Pacte de 2019 permettait aux CIP de collecter jusqu’à 8 M€ par projet, cette limite ne sera pas reconduite puisqu’elle est désormais abaissée à 5 M€. Une aubaine en revanche pour les plateformes de prêt, jusqu’alors limitées à 1 M€ par projet.
Une nouvelle règle perçue par ces acteurs comme un véritable bond en arrière, un frein à la croissance du crowdfunding. Rappelons toutefois que le montant total de la collecte en France demeure bien en deçà du seuil des 8M€. En 2021, les projets obligataires ont collecté en moyenne près d’1,2M€ par projet (contre environ 450K€ en 2019). L’investissement en capital s’élevait quant à lui à 101K€ (39,5K en 2019).
Proposée avant tout dans le but de soutenir l’essor du financement participatif, cette nouvelle réforme PSFP apporte de belles opportunités de développement transfrontalier. Néanmoins, entre la suppression du statut CIP, l’abaissement du montant total de collecte autorisé, et le conflit d’intérêts entre les lois françaises et européennes, les plateformes s’interrogent. Force est de constater que très peu d’entre elles ont adopté ce nouveau statut. L’extension de la période transitoire laissera sans doute le temps aux instances nationales de rassurer les plateformes, et à ces dernières de s’adapter.